Un maire peut-il ou doit-il prendre un arrêté anti-pesticides ?
Dans sa brève du 8 Janvier Mr le Maire s’est empressé de reprendre une décision du conseil d’Etat (voir décision) interdisant aux Maires de prendre des arrêtés « anti-pesticides » dans leur communes. En plus il s’empresse de nous dire que pour les juges les effets sur le long terme de ces produits phytosanitaires demeurent « incertains ».
Et bien Mr le Maire, d’autres Maires ont jugé que ce n’était pas « incertain » et ont estimé qu’au titre de ses pouvoirs de police générale, le Maire peut intervenir pour pallier une « carence » de l’État. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le 8 novembre 2019 a refusé de casser l’arrêté du Maire de Gennevilliers,estimant que les pesticides « eu égard à la présomption suffisamment établie de dangerosité et de persistance dans le temps des effets néfastes pour la santé publique et l’environnement », et « en l’absence de mesures réglementaires suffisantes prises par les ministres titulaires de la police spéciale », le Maire a pu « à bon droit estimer que les habitants étaient exposés à un danger grave » et prendre un arrêté pour les protéger.
De même le 25 novembre, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête du préfet des Hauts-de-Seine visant à annuler l’arrêté anti-pesticides pris par la commune d’Antony, qui ne compte pas d’agriculteur. Parmi les arguments de la collectivité, les juges ont retenu «l’importance des populations vulnérables sur son territoire et notamment celles accueillies dans ses onze crèches, vingt-sept écoles, cinq collèges et deux lycées» et la présence de 8,5 km de voies ferrées longeant un hôpital ainsi qu’un hôpital psychiatrique.
Le Conseil d’État lui a fermé la porte, dans une décision très ferme. Balayant le débat sur une éventuelle « carence de l’État » et le rôle de protection de la santé des populations que pourrait jouer le Maire.
Et c’est sur cette décision que notre Maire s’arrête !
Pourtant carence il y a, puisque le Gouvernement reconnait par ailleurs le lien entre pesticides et maladies. Exemple :
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a créé à compter du 1er janvier 2020, un fonds d’indemnisation des victimes professionnelles des pesticides pour répondre à trois objectifs majeurs des victimes de pesticides.
– indemniser, au titre de la solidarité nationale, les exploitants agricoles retraités d’avant 2002 et les enfants exposés pendant la période prénatale du fait de l’activité professionnelle de leurs parents.
– faciliter la reconnaissance des maladies professionnelles liées aux pesticides.
– indemniser plus équitablement les exploitants agricoles.
En fait après avoir autorisé l’usage du poison l’Etat vous donne une indemnité financière !
Et vous, vous mettez en avant la position du Conseil d’Etat que « les pesticides aient des effets incertains » !
Voulez vous une preuve de la réalité :
« Les agriculteurs développent un risque professionnel de cancers liés à l’utilisation de pesticides. » Le constat du docteur Pierre Lebailly, chercheur épidémiologiste (Unité Inserm, Centre François Baclesse) n’est pas nouveau mais le scientifique rappelle que la situation ne s’est pas améliorée depuis le précédent point d’étape de la cohorte AgriCan (agriculture et cancer) en 2014.
Cette étude lancée en 2005 par la Mutualité sociale agricole (MSA) vise à établir les liens entre cancers et activités agricoles. Elle est menée, dans onze départements, auprès de 181 842 personnes affiliées à la MSA (chef d’exploitations mais aussi conjoint, saisonniers, salariés). Il s’agit de la plus grande cohorte au monde. L’enquête vient d’être réactualisée (2014-2019).
Mais la justice peut aussi confirmer que les pesticides rendent malades et tuent. Trois décisions du tribunal de Rennes le confirment. Elles concernaient des salariés et un paysan. En fait des gens comme il y en a dans notre commune :
Jean Claude, technicien semences, obtient la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la coopérative AGRIAL ; Jean Claude souffre de la maladie de Parkinson et a été reconnu en maladie professionnelle en octobre 2016.
Edith, salariée dans des serres à tomates, est reconnue en maladie professionnelle pour Parkinson, reconnaissance que lui avait refusée la MSA Portes de Bretagne. Elle souffre de cette maladie depuis l’âge de 50 ans.
Christophe, paysan, est reconnu en maladie professionnelle pour un glioblastome (tumeur cérébrale), maladie hors-tableau du régime agricole des maladies professionnelles.Christophe est décédé le 23 mars 2020 à l’âge de 43 ans.
Il existe 3 autres demandes de reconnaissance en cours pour des paysans et paysannes décédés de tumeurs cérébrales.
En conclusion Mr le Maire, même si vous n’avez pas pris d’arrêté anti-pesticides, ce que vous auriez pu faire alors que les ZNT autorisent l’usage de pesticides à proximité des habitations, vous constaterez que certaines décisions des plus hautes autorités ne vont pas dans le sens de protéger les populations et en particulier les agriculteurs.
Ainsi va le temps, que demain, les mêmes autorités interdiront ce qu’elles avaient autorisé. Et c’est pour cela que nous vous apportons, ainsi qu’à nos lecteurs et adhérents, des informations pour évaluer les décisions réglementaires.
Dernière minute :
Florence Presson, adjointe au Maire de Sceau et porte-parole des Maires anti-pesticides a annoncé ne pas en rester là.
La décision du Conseil d’Etat «pose un problème en termes de santé publique et de constitutionnalité», estime Corinne Lepage, avocate des Maires anti-pesticides.
Plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sont en cours, rappelle-t-elle, et pourront apporter des réponses sur la constitutionnalité .
Avec son aide (Corinne Lepage), une plainte pourrait même être prochainement déposée auprès de la Commission européenne par les Maires contre la France, avec l’appui de députés européens.
A suivre…