Paradoxe Norvégien

Dans le contexte du PCAET, il peut être intéressant de regarder ce qui se passe chez nos voisins Européens concernant les véhicules électriques.

Vias institute, (un institut Belge de connaissance indépendant qui agit comme une référence pour les citoyens, les instances publiques et les entreprises afin d’améliorer la sécurité routière, la mobilité, la sécurité et la santé.) a édité un rapport en 2023 sur la .Transition vers les véhicules électriques dans le parc automobile privé (GREENPARK)

Dans ce document, l’annexe 2 est consacré à la situation actuelle dans des pays européens (Pays-Bas, Royaume-Uni, Norvège, Suède, France, Allemagne).

Le tableau ci dessous compare les nouvelles immatriculations en 2022.
(VEB : Véhicule Electrique Batterie VHR : Véhicule Hybride Rechargeable )

L a Norvège est de loin le pays qui immatricule le plus de véhicules électriques par rapport aux immatriculations totales 88,5 % (79,3 +9,2).

Le pays s’est engagé, depuis plus de 10 ans, dans la reconversion de son parc automobile et s’il a fallu près de dix ans pour que la part de l’électrique (VEB etVHR inclus) dans le parc automobile norvégien passe de 0 à 10 %, jalon atteint en mars 2020, moins de trois années (2021,22, 23) ont été nécessaires pour doubler cette proportion (20 % ), a relevé l’association norvégienne des véhicules électriques. Le cap des 30 % pourrait être atteint d’ici deux ans.

À titre de comparaison, les voitures électriques (VEB et VHR) représentaient 0,64 % du parc automobile français au 1er janvier 2021, selon des statistiques officielles.

Avec un taux de progression de près de 80 % de l’électrique dans la parc automobile Norvégien, on aurait pu s’attendre à un recul significatif de la consommation de carburant fossile, or il n’en est rien et même c’est le contraire qui s’est produit.

L’analyse que fait Rystad Energy est la suivante :

« Notre recherche – qui va au-delà des chiffres rapportés par SSB – raconte une histoire différente. Notre modèle prend en compte les ventes officielles de carburant, le kilométrage annuel moyen par type de véhicule et les ventes de voitures telles que rapportées par SSB. Il convertit ces données brutes en demande estimée de diesel et d’essence, en tenant compte de l’efficacité des véhicules individuels à partir de 2022. Le résultat est une image très claire que la demande de carburant routier des voitures particulières a diminué rapidement depuis 2016, chutant de plus de 20 % avec la pénétration du marché des véhicules électriques.

La vente de carburants routier (essence et gazole : road fuel sales) correspond a tout les véhicules routiers donc y compris les camions et bus

Dans le même temps, la demande de carburant des bus et des camions – qui fonctionnent principalement au diesel – a augmenté, passant d’environ 30 000 b/j entre 2010 et 2015 à 32 000 en 2022. Une baisse structurelle de la demande de carburant n’est pas envisageable à court terme. Il faut attendre que l’électrification , récemment lancée dans ces secteurs (bus et camions), s’installe. En tant que pays pionnier dans le processus d’électrification des transports, ces résultats posent des questions importantes aux autres pays qui tentent de suivre l’exemple de la Norvège » 

Et leur conclusion est :

« L’électrification du secteur du transport routier est un pilier de la stratégie de transition énergétique de nombreux pays, les décideurs politiques du monde entier offrant des incitations à ceux qui passent aux véhicules électriques. Cependant, la situation observée en Norvège pourrait se reproduire à l’échelle mondiale à mesure que les stratégies de transition s’accélèrent. Pour que les efforts visant à réduire les émissions et l’intensité carbone du transport routier réussissent;

l’accent ne doit pas être mis uniquement sur les voitures particulières, mais doit également s’intéresser aux véhicules lourds fonctionnant aux combustibles fossiles traditionnels. »

Si l’on considère le volume d’émission des gaz à effet de serre, l’impact de l’augmentation du taux d’électrification du parc automobile Norvégien n’est pas significatif.

Source OCDE

Conclusion :

Pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES (voir fiche Outil Climat 01) soit -35 % en 2030, il nous semble judicieux de prendre en compte l’exemple de la Norvège.

La réflexion sur la mobilité (que nous avons entamée lors de la dernière réunion) est indispensable mais pas suffisante.

Il faut s’intéresser aux transports routiers (poids lourds, livraisons, services …) ainsi qu’aux transports de passagers (bus) qui sont majoritairement équipés de moteurs alimentés au gazole

A noter que la conversion du moteur diesel au GNL ne fait diminuer que de 10 % l’émission de CO2 mais augmente l’émission de méthane (qui n’est pas du à la combustion mais aux fuites dans les transports et stockages, estimée à environ 3% du volume de méthane présent dans le GNL ).

Ce n’est donc pas la solution miracle. (Voir ci-dessous)

Voir article et tests

Concernant l’impact environnemental, du GNL une étude chinoise publiée en 2013161 a quantifié les émissions de CO2 sur cycle complet de voitures alimentées au gaz naturel par différentes méthodes : GNC, GNL, essence synthétique issue du gaz, voiture électrique alimentée par une centrale à gaz. Il en ressort que le GNC et le GNL ont des émissions de CO2 totales quasiment égales à celles d’une voiture diesel classique. En revanche, si l’on ne tient pas compte de l’amont de la filière, le gaz naturel (qu’il soit comprimé ou liquéfié) réduit de manière spectaculaire les pollutions « locales » : oxydes d’azote et monoxyde de carbone, et certaines particules fines

En 2019, une première enquête européenne menée par l’ONG écologiste Transport et Environnement produit des résultats plus alarmants, concluant à des émissions de gaz à effet de serre comparables à celles des camions diesel classiques, et trouvant des émissions d’oxyde d’azote jusqu’à cinq fois supérieures chez les camions roulant au GNL163. Ainsi l’ONG a appelé à cesser les mécanismes d’incitation fiscale à l’utilisation du gaz (GNC ou GNL), ne les considérant pas comme une solution crédible pour réduire les pollutions ni pour réaliser une transition énergétique164. En septembre 2019, une étude faite par l’IFP Énergies nouvelles conclut que « les véhicules roulant au GNV (fossile) présentent de meilleures émissions GES que leurs équivalents diesel et essence, que ce soit en 2019 ou en 2030 »165.

En 2021, une nouvelle étude compare les émissions du camion S-Way d’Iveco, roulant au GNL, et le Stralis Diesel ; elle contredit les résultats de l’étude précédente166. Sur la base des émissions mesurées par la Société allemande de recherche pour moteurs à combustion interne et thermodynamique (FTV), analysées par l’université de Graz, elle conclut, en incluant les émissions de CO2, N2O et CH4 de l’amont de la filière GNL que « les camions au GNL (gaz naturel liquéfié) ne représentent aucune perspective de réduction des émissions nocives et émettent plus de particules cancérigènes » ; sur 20 ans, un camion roulant au GNL émet en moyenne 13,4 % de plus de GES qu’un camion à moteur Diesel166.
La solution GNL émet certes au pot d’échappement moins de CO2, quasiment pas de N2O et un peu plus de CH4 que le diesel, mais les émissions totales de la filière dépassent celles de la filière gazole en raison de fuites de méthane et des GES émis pour la liquéfaction du gaz naturel en GNL et son transport. Toutefois précise l’étude, sur un siècle, le GNL aurait un bilan moins négatif que le diesel avec 7,5 % d’émissions de GES en moins selon T&E car le CH4 ne perdure qu’une douzaine d’années dans l’atmosphère, alors que le CO2 y perdure en moyenne un siècle166. Or le méthane est aussi un gaz-clé en termes d’urgence climatique, mais un nombre croissant de pays envisagent une sortie des carburants fossiles bien avant un siècle.
Cette étude a affiné les analyses d’émissions de particules ultrafines (PUF), montrant que le camion Iveco-GNL émet en moyenne 2 à 3 fois plus de PUF de plus de 23 nm que le camion-Diesel, surtout en ville (62 à 91 % de moins que le diesel sur l’autoroute, et 56 % de moins sur les routes de campagne mais beaucoup plus en ville)166. Concernant les PUF de moins de 4 nm, la solution GNL en émet 37 fois plus que le camion Diesel (18 fois plus en zone urbaine et 147 fois plus en zone rurale) ; dépassant parfois le seuil légal d’émissions166. Seules les émissions d’oxydes d’azote (NOx) sont fortement réduites (-60 % environ, surtout sur les routes de campagne) par la solution GNL versus Diesel166.

(Wikipedia article flottes automobiles ONG transport & environnement)